Huit mille ans avant notre ère, les premières villes naissent en Mésopotamie.
Dans la région « entre les deux fleuves », berceau fertile de l’humanité, l’homme invente l’agriculture, l’écriture et l’empire. Une civilisation s’épanouit. L’histoire commence au pays de Sumer.
Des empires étendent leurs frontières, des cités sont érigées, splendides, puis réduites en ruines dans des guerres brutales.
Onze cités, cent trente-quatre rois se succèdent. De Sumer à Aššur, le centre nerveux du pouvoir change de ville, de mains, de roi. Sumériens, Akkadiens, Assyriens... les peuples se battent et
se mélangent comme les eaux dans les terres basses. Malgré les divisions et les guerres, les noms des grands dieux et ceux des grands rois sont gravés dans les mémoires et scandés dans les prières.
Ils font partie du même glorieux et splendide passé. Gilgameš le héros, Roi d’Ur, Gudéa, Roi de Lagash, le grand Roi Hammurabi et son code de lois, Sargon, créateur de Babili...
Au premier millénaire avant notre ère, les Assyriens imposent leur domination sur l’empire et le monde. Aššur trône au panthéon des dieux. Mais le pouvoir vacille, ébranlé de l’intérieur...
Parmi les sources auxquelles je fais référence dans le roman, je dois citer "La légende de Sémiramis" de Diodore de Sicile et la "Sémiramis" de Voltaire (où la légende l’emporte sur l’histoire).
Mais, pour qui veut vraiment découvrir la mésopotamie, tout comme moi, je recommande la lecture des précieux ouvrages de Jean Bottéro ("Lorsque les dieux faisaient les hommes", préface de "l’Epopée de Gilgameš"), de Jean-Jacques Glassner ("La Mésopotamie", "La tour de Babylone"), de Samuel Noah Kramer ("L'histoire commence à Sumer"), de Georges Roux ("La Mésopotamie"), ainsi que l'incontournable "Dictionnaire de la Mésopotamie", sous la direction de Jean-Jacques Glassner et "Les chroniques des rois assyriens".
Les sites du Louvre, de l’université de Cambridge (Grayson’s RIMA), et de l’université de Chicago m’ont également largement inspirée dans mes recherches.
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Sammuramat est une reine assyrienne. Elle assure la régence de 811 à 808 av. J.-C. Son nom signifie "aimée du ciel" ou "mon nom est haut".
Épouse de Shamshi-Adad V. Elle fut une des plus grandes reines de l'histoire d'Assyrie. Elle est la seule pour laquelle fut érigée à Assur une stèle aux côtés des plus grands rois. "Celle du palais de Shamshi-Adad, roi du monde, roi d'Assyrie, mère d'Adad-Nirari, roi du monde, roi d'Assyrie, bru de Salmanzar, roi des quatre régions du monde". Elle est encore connue par plusieurs inscriptions qu'elle a laissées à Assur, fait unique de la part d'une femme dans toute l'histoire assyrienne. À la mort de Shamshi-Adad V en 811, son fils Adad-Nirari III est encore très jeune. Pendant quatre ans, elle exerça une sorte de régence avec le soutien des plus hauts dignitaires du royaume.
On ne connaît pas exactement son rôle et son pouvoir dans l'empire. Elle aurait ordonné une expédition contre les Mèdes et deux contre Mannaï. La seule chose dont on est sûr est que sa personnalité a fortement impressionné ses contemporains, au-delà même des limites de la Mésopotamie.
Sammuramat fut assimilée à la déesse de l'amour et de la guerre, Ishtar de Ninive, puis à une déesse de Zagros, enfin à la déesse syro-anatolienne Derkétô, patronne d'Ascalon, lieu de naissance de Sémiramis selon la légende. Cette semi-divinité serait à l'origine de la légende de Sémiramis, ainsi que d'autres souveraines ou princesses plus ou moins mythiques du Proche-Orient, comme la Shirin des Sassanides, la reine d'Arménie Samiran, ou la Shéhérazade de l'époque abbasside.
Ressources vidéo :
Un bon documentaire d'Arte sur la Babylone de Nabuchodonosor : Babylone secrète
Chronologie des rois
2335-2279 : Règne de Sargon Ier
2254-2218 : Règne de Narâm-Sin
1792-1750 : Règne de Hammurabi
Empire assyrien
890-884 : Règne de Tukultî-Ninurta II
883-859 : Règne de Aššurnatsipal II
858-824 : Règne de Salmanazar III
823-811 : Règne de Šamši-Adad V
Ištar/Innana, déesse de l’amour
Šamaš, dieu du soleil
Sîn, dieu de la lune
Marduk/Aššur, dieu de la totalité, maître du panthéon assyrien
Nabu, dieu des sciences
Enlil, dieu des vents
Enki/Ea, dieu des sources souterraines d’eau douce
Adad, dieu de l’orage
Gilgameš, Souverain de la Première Dynastie après le déluge, roi d’Ur
La gifle au Roi : savoureuse tradition du Nouvel an en Assyrie
Le Nouvel An mésopotamien, l’Akîtu, était l’occasion de libations populaires et de fastueuses célébrations religieuses. Tout l’Empire entrait en effervescence durant une semaine, à compter du premier jour du premier mois de l’année lunaire.
Le Roi faisait allégeance au Dieu Assur, qui lui demandait de prouver qu’il avait dirigé l’empire et les hommes avec force et mansuétude. Lors d’une cérémonie au temple, le grand prêtre, incarnant Assur, assénait une gifle magistrale au Roi. La joue du Roi devait se couvrir de larmes. Ainsi, les présages seraient favorables.
Un bélier décapité était jeté dans le fleuve, « le regard vers l’ouest », et les flots emportaient avec eux les péchés de l’année passée. L’année nouvelle pouvait commencer, avec la promesse que l’abondance serait au rendez-vous …
La Mésopotamie est un territoire, aux frontières mouvantes, où sont nées la maîtrise de l’eau et l’agriculture, l’écriture, les premières
infrastructures, et la notion même d’histoire. Espace, sociétés, économies, mentalités…. Elle n’est pas seulement l’infrastructure d’un
territoire, mais aussi la culture, la pensée, l’ambition, qui s’en dégage. Elle donne naissance à des infrastructures, à un mode de vie, à l’écriture, à des codes de loi, des religions, une mentalité
collective.
Pour Fernand Braudel, tous les éléments qui définissent une civilisation[1].
« Ce que les hommes n’oublient plus », l’empreinte laissée dans la culture, l’agriculture, l’écriture, le commerce, comme dans l’organisation politique et juridique des Etats. Puis, elle
a
sombré dans l’oubli, et les ruines de ses fabuleux édifices ont disparu sous le
sable, ne laissant que les légendes colportées. Méprisée par la démocratie athénienne pour l’incapacité démocratique de ses grands empires tyranniques, diabolisée par la chrétienté,
la Mésopotamie incarne les pires péchés commis par les hommes, jusqu’à la ruine.
Mais, à la faveur des redécouvertes par les archéologues, au tournant du 20ème siècle, elle livre ses trésors, et ses mystères. Et les Assyriologues, une communauté d’experts
particulièrement revigorante, sont fascinés par la richesse et la modernité que la civilisation mésopotamienne révèle.
Du berceau de culture à la guerre, nécessité pour l’empire
La Mésopotamie, pays « entre l’Euphrate et le Tigre, fleuves aux cours capricieux. Cette définition d’auteurs grecs représente un « triangle de 240 000 km2 qui s’étend du golfe persique aux montagnes du Caucase et du désert syrien aux monts du Zagros, l’ouest de l’actuel Iran.
En fait de « berceau fertile », c’est l’ingéniosité des hommes qui fait de ces plaines alluviales, soumises à un climat sub-tropical sec, avec des températures de 50° en été, et des pluies faibles en hiver, le foyer de l’agriculture : grâce aux travaux de canalisation et d’irrigation, et l’invention de systèmes complexes qui exigent une main d’œuvre nombreuse, et grâce au blé importé des montagnes du Nord, le blé et l’orge sont cultivés à foison, et les hommes tirent de l’argile des villes, des maisons, des rues, des canaux, des temples, des palais.
Des nécessités de la production de richesses d’abord agricoles, naissent les cités-Etats (la ville d’Uruk dont on dit que Gilgamesh fut le Roi ; la ville de
Lagash, et son prince-architecte Gudéa) et une organisation politique, sociale et juridique (les premiers textes de loi sont sumériens et antérieurs
de mille ans au Code d’Hammurabi). De la relative pauvreté des territoires mésopotamiens (l’argile) nait la nécessité de la guerre pour capter le bois, les pierres, les métaux précieux dans les
territoires voisins.
C’est ce même patrimoine qui traverse 4 000 ans d’une histoire commune, où les
territoires, les lieux de pouvoir, les peuples et les langues changent, depuis
les terres basses du pays de Sumer jusqu’aux montagnes qui bordent l’empire
assyrien.
Une organisation dont l’un des pivots est l’invention de l’écriture, apportée par les Sumériens (peuple à l’origine incertaine), indispensable à la gestion de la vie
commune
et au commerce des marchandises et qui constitue un lien indissoluble entre les
empires mésopotamiens.
Trois grandes étapes, trois grands empires jalonnent plusieurs millénaires : Sumer,
l’empire originel, l’empire akkadien qui consacrera la splendeur de Babylone (avec les grands rois Sargon en -2340, ou Hammurabi, -1792-1750), et l’empire assyrien (et sa capitale Assur). Le centre
du pouvoir, et de la culture, se déplace du Sud au Nord.
Les empires s’imposent brutalement, mais en intégrant les cultures du passé et de peuples conquis : l’écriture, la comptabilité, l’organisation politique et juridique, la religion, les mêmes références au passé (ainsi, les nombreuses versions de l’Epopée de Gilgamesh), les mêmes légendes fondatrices (ex : le poème du Super sage) se transmettent d’un empire à l’autre.
Emprunts, oublis, légendes
Lorsque, après le règne de Nabuchodonosor (-609-539) Babylone est vaincue par Cyrus, la
Mésopotamie est intégrée dans l’empire perse et une civilisation millénaire disparait. Les traces que laissent ces milliers d’années d’histoire semblent s’effacer, pour ne laisser de la Mésopotamie
qu’un souvenir tronqué.
Fragiles édifices de briques, les grandes cités de l’Empire ont disparu sous le sable, et l’on ne sait plus lire l’écriture mésopotamienne (le dernier texte date de 75 de l’ère chrétienne). Babylone reste un centre religieux jusqu’à environ 100 ans après JC, mais les palais et temples ont disparu de longue date et le territoire mésopotamien est soumis à des invasions sporadiques.
La civilisation sombre dans l’oubli, la Mésopotamie entre dans les légendes. L’Antiquité grecque et la démocratie athénienne gardent de la Mésopotamie le souvenir
d’empires brutaux. Ainsi, Diodore de Sicile (dans Sémiramis, reine de Babylone) invente, à partir de quelques inscriptions
énigmatiques, la reine Sémiramis, à partir de Sammuramât, femme du Roi Shamshi-Adad V. Une histoire que reprendra Voltaire, et une vision de la Mésopotamie, issue de l’antiquité grecque qui mêle
mythes et légendes, sur laquelle s’appuieront les Lumières (ainsi l’impossibilité supposée de la démocratie sur de trop vastes territoires selon Rousseau ou Montesquieu). Hérodote, lui, relate la
splendeur de Babylone
et ses jardins suspendus comme l’une des sept merveilles du monde, en s’appuyant sur les seules légendes qui circulent sur cette histoire.
Puis l’époque chrétienne condamne moralement les mœurs supposément en vigueur dans
la civilisation mésopotamienne. Malgré la persistance des références à la Mésopotamie dans la Bible, avec l’avènement de la chrétienté s’impose une vision de la Mésopotamie, symbole d’orgueil et
de démesure, vouée au châtiment, qui condamnera moralement la civilisation mésopotamienne. La légende de la Tour de Babel comme monument de l’orgueil humain, référence essentielle de la Chrétienté,
condamne l’arrogance des hommes à se hisser au statut des dieux, et punis par le Dieu unique à ne plus se comprendre : cette vision est présente dans La cité de Dieu, de Saint Augustin (environ
1450), et la destruction de la Tour de Babel donne lieu au superbe tableau de Bruegel l’ancien (vers 1563) qui s’inspire du Colisée et de la description d’Hérodote.
Même l’héritage de ses souverains éclairés, comme le Roi Hammurabi, est réinterprété
comme empreint d’une brutalité primitive : ainsi, le célèbre code de lois, injustement présenté d’ailleurs comme le premier code écrit de lois, est résumé à l’invention de la loi du talion
(« si un notable crève l’œil d’un notable, on lui crèvera l’œil»), tandis que ses ubtilités sont oubliées :
« la pitié dont la voix, alors qu’on est vengé, fait entendre ses lois », dit le code, soulignant la nécessaire retenue dans la punition etla vengeance.
Référence toujours présente dans les civilisations qui lui succèdent, évoquée dans des
récits s’appuyant sur des sources fragmentaires et incertaines, la Mésopotamie est, longtemps, davantage un mythe qu’un objet d’histoire. Il faudra attendre l’expansion des empires européens pour que
la civilisation mésopotamienne soit redécouverte.
La redécouverte de la Mésopotamie à partir de 1850, remet à l’honneur la civilisation qui y sont nées. Les premières fouilles en Mésopotamie sont menées par des Allemands à la moitié du 19ème siècle (1843). La datation de la construction de Babylone au temps de Nabuchodonosor II s’appuie sur les découvertes archéologiques entre 1899 et 1917.
Des dizaines de milliers de tablettes d’argile sont découvertes, et, à partir de 1802, des fragments cunéiformes sont déchiffrés, ce qui donne lieu à la découverte de trésors, notamment l’Epopée de Gilgamesh, premier récit écrit de l’humanité retrouvé à ce jour.
La découverte (par G. Smith en 1872) des concordances entre la Bible, dont on a
longtemps cru qu’il était le plus vieux livre du monde, et les récits mésopotamiens, notamment ceux du Déluge, montrent que l’Ancien testament n’est pas une « simple variante des sagesses du
Croissant fertile, mais qu’il en emploie le matériau » (Jean Bottéro).
A la faveur des travaux archéologues, encore inachevés, la Mésopotamie est reconnue
aujourd’hui comme le foyer des mythes fondateurs : le récit de la descente aux enfers de la déesse Ishtar, histoire reprise par Dante, ou la quête de limmortalité de Gilgamesh, qui est un sujet
récurrent de la littérature jusqu’à nos jours. L’héritage de la Mésopotamie ne se limite pas à l’agriculture ou l’écriture, mais s’étend aux sciences, mathématiques, astronomiques, la
médecine…L’organisation politique et sociale des cités mésopotamiennes reste un modèle pour noscivilisations.
« Un passé glorieux fut longtemps oublié » (La Mésopotamie de G. Roux), pourtant à la source des premiers
récits, des premières écoles, des premiers poèmes… La Mésopotamie est encore un territoire en friche pour les archéologues, et sans doute de vastes pans de ce
qu’elle apporté aux civilisations qui lui ont succédé ont-ils disparu pour toujours. La ivilisation qui s’est déployée sur cette vaste terre ingrate a laissé une empreinte aussi profonde que
mystérieuse.
[1] Fernand Braudel, Grammaire des Civilisations